Avatars mortuaires
Quentin LANNES
Séminaire UR numérique
17/03/2022

Avatars mortuaires : des présences lacunaires

Quentin Lannes

Jeudi 17 février

10h-12h

Le séminaire se déroulera au Labo NRV.

Lien visio : https://meet.google.com/zdq-shet-axd

 

Que reste-t-il de nos morts ? Ils se rappellent à nous à travers des photos, des lettres manuscrites, des films de famille ou encore des messages vocaux laissés sur des répondeurs. Nous retournons sur les lieux où nous avons vécu ensemble, portons une montre ou un bijou leur ayant appartenu, reproduisons leurs meilleures recettes. Depuis trente ans, des traces numériques se sont ajoutées à ces vestiges matériels. À l’heure des comptes commémoratifs sur Facebook, quelque chose de nos proches disparus subsiste, des fantômes numériques constitués des contenus personnels et professionnels éparpillés sur internet.

La question du destin de ces restes numériques est explorée depuis une dizaine d’années, aussi bien dans la fiction que dans le réel. J’évoquerai l’épisode Be Right Back de la série d’anticipation Black Mirror, qui relate le décès d’un homme et la création de son avatar mortuaire au profit de sa veuve ; le chatbot Roman conçu par Eugenia Kuyda à partir des textos et e‐mails échangés avec son ami Roman Mazurenko, décédé prématurément ; le dadbot de James Vlahos, un bot vocal nourri des entretiens qu’il a conduit avec son père dans les dernières années de sa vie, ou encore l’hologramme de Robert Kardashian, mort en 2003, offert à sa fille Kim Kardashian par Kanye West.

Ces expérimentations font davantage qu’évoquer le souvenir de l’autre, elles tentent de convoquer sa présence – sans y parvenir tout à fait. Car, même si les données enregistrées sont authentiques, la doublure n’est jamais parfaite. Si un bot, aussi perfectionné soit-il, ne peut se substituer à la présence vivante, on peut alors penser ces avatars mortuaires comme une symbolisation même de l’absence : ils représentent la perte de l’autre et la font vivre, par leur caractère nécessairement lacunaire.

Pour illustrer cette réflexion, je m’appuierai sur mes vidéos Racing a Ghost (2018), The unauthorized portrait of F. the man who wanted to live forever (2020) et comeback (2021).